En règle générale, la facture d’eau, à la différence de la facture d’énergie, impacte peu aujourd’hui le budget des ménages.
Pour autant, face aux effets du dérèglement climatique (+ 1° = + 7 % d’évaporation) et face aux degrés de pollution des eaux de surface et souterraines, dans un avenir proche le coût de l’acheminement jusqu’à notre robinet d’un litre d’eau, véritablement potable, ne pourra que s’accroître.
Cette note est recentrée sur les seules facturations des usagers domestiques de l’eau potable.
Nous analysons les principes et les paramètres qui structurent sa tarification ; avant de faire état des dispositions réglementaires qui viennent de s’appliquer (depuis janvier 2025) et qui, en introduisant de nouveaux paramètres de charges, modulent le montant des tarifications au bénéfice, territoire par territoire, de la qualité de gestion et de surveillance des ouvrages de toute la chaîne de production, de distribution et de traitements de l’eau potable.
Dans notre prochaine newsletter, nous compléterons ce dossier en portant un regard sur les systèmes de tarification expérimentés par plusieurs Collectivités territoriales : Tarifications incitatives à la réduction de la demande en volumes des usagers, ou/et à une répartition socialement plus équitable des charges, entre les usagers du territoire desservi.
PRINCIPES ET PARAMÈTRES DÉTERMINANT LA TARIFICATION
La tarification repose sur deux grands principes, sur la délimitation des paramètres de charges objets de la facturation et sur leurs affectations visibles sur la facture de l’usager.
Cela signifie que le service public de l’eau (alimentation et assainissement) doit être entièrement financé par les facturations répercutées aux usagers : Les budgets doivent être équilibrés en recettes et en dépenses (article L.2224-1 du Code Général des Collectivités Territoriales)
Les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur (article L.110-1 du Code de l’Environnement). Sont donc considérés comme pollueurs, tout consommateur d’eau que ce soit pour des usages domestiques, industriels ou agricoles.
Rappel : Nous nous recentrons ici sur les seules tarifications des usagers domestiques. Mais le principe général « l’eau paie l’eau », doit s’entendre à l’échelle d’un bassin et de l’ensemble des usagers, après pondération des écarts significatifs de tarifications selon les profils de « pollueurs-payeurs » : ménages, industriels, agriculteurs.
Ce périmètre part donc bien depuis le prélèvement des eaux brutes, de surface ou souterraines et s’étend jusqu’aux derniers rejets dans l’environnement, après traitements ad ’hoc des eaux usées.
En direct ou via son ou ses délégataires de services publics (cas de la SAUR et D’AGUR pour l’île de Ré), la collectivité facture l’usager, puis redistribue – à l’exception de la part de ses propres charges dans le service de l’eau – l’ensemble des recettes aux différents opérateurs et organismes publics.
Voir ci-après, détail de facturation.
Facture détaillée pour un usager domestique de la commune du Bois-Plage (consommation au 2ème semestre2024)
OBSERVATIONS SUR LES VARIATIONS DE TARIFS EN FRANCE
En France, d’un territoire à l’autre, le prix de l’eau potable présente de grandes disparités, de < 1 €/m3 à > 11 €/m3.
Celles-ci sont en effet déterminées par l’extrême amplitude de variations des coûts de production de l’eau et par celui des installations d’assainissement.
Par exemple, on trouvera les bas prix quand un prélèvement s’opère directement sur une source de montagne à faibles exigences de purifications s’avère à la fois possible, suffisant en volume et à faible distance des lieux de consommation.
À l’opposé, les coûts de production seront les plus élevés lorsqu’il s’agira de prélever des volumes à la fois importants, éloignés et dispersés, combinant prélèvements en eaux de surfaces, et en eaux souterraines en nappes phréatiques ou/et profondes ; le tout susceptible de générer d’importants coûts de purification et de mise aux normes sanitaires en fonction des niveaux de pollution des différentes ressources en eau.
Issue du continent, l’eau potable qui approvisionne l’île de Ré répond plutôt à ce second type de configuration (Tout en bénéficiant d’un taux de pertes en réseaux plus faible que la moyenne nationale et de la Charente Maritime).
Soulignons, bien que cela ne concerne que les territoires d’Outre-Mer (du moins aujourd’hui), que de loin les coûts les plus élevés sont ceux des installations de dessalement de l’eau de mer.
À noter par ailleurs, que chaque usager, via la plate-forme d’information sur le service de l’eau « SISPEA » https://www.services.eaufrance.fr peut prendre connaissance de la tarification de sa commune, comme ci-dessous (dernières données = 2023), en renseignant la commune « Le Bois plage en Ré » :
À PARTIR DE 2025 : INTRODUCTION D’UNE MODULATION TARIFAIRE À LA PERFORMANCE
Concrétisée en ce début d’année, la réforme du régime des redevances dues aux Agences de l’eau (inscrite parmi les 53 mesures du « PLAN EAU » de 2023) introduit dans la facturation de l’eau potable d’usage domestique, 2 niveaux de modulations à la performance, cumulatifs :
En fonction de ces performances, un coefficient multiplicateur de 1 à 0,2 pourra, au prorata des volumes consommés, s’appliquer au montant de cette redevance. Un redevable (collectivité refacturant l’usager) peut donc bénéficier d’une modulation maximale de 80 %.
De son côté, la « redevance sur la consommation d’eau potable », en toute logique proportionnelle au volume consommé, reste inchangée.
Pour s’appliquer, ces nouvelles dispositions vont nécessiter tout le temps nécessaire à la mesure de chacun de ces critères de performance, à ce qu’ils soient remontés, traités et validés par les agences de l’eau. De ce fait, on estime que les montants exacts des modulations ne devraient être précisés que sur les premières factures de 2027.
On retiendra que ces nouvelles dispositions devraient bénéficier aux usagers Rétais, en raison de la qualité du réseau de distribution d’EAUX 17 et de celles des stations de traitement des eaux usées de l’Ile de Ré. Les extensions d’ores et déjà à l’ordre du jour sur davantage de valorisations et recyclages, ne pourront être qu’un plus.
Ces derniers leviers sont du ressort des communes et de la Communauté de Communes.
Pour le reste, c’est-à-dire le volume de consommation qui détermine plus 80 % du montant des factures, la responsabilité en incombe à chaque usager. Le devoir de sobriété de chacun restera d’actualité pour longtemps !
Pour autant, nous verrons (Ci-après 5) que les collectivités peuvent utiliser l’arme tarifaire pour inciter à plus de sobriété.
DANS LA DURÉE : UNE ÉVOLUTION INEXORABLE DES COÛTS À LA HAUSSE
Si ces incitations à la performance sont une bonne chose, dans la durée on ne peut que s’attendre partout sur le territoire, à une évolution croissante des coûts d’accès « jusqu’au robinet » de l’eau potable ; ce dont on connait les causes.
D’un côté les charges de tous ordres pour tenter de réduire les impacts du dérèglement climatique ; notamment le risque d’effondrement des volumes disponibles dans les périodes de plus fortes demandes.
De l’autre, le coût des luttes contre la pollution croissante de toutes les réserves hydriques de surface ou souterraines. Si elle change de phase (solide, liquide, gazeuse), l’eau n’en est pas moins une ressource dont la quantité terrestre est strictement invariable. Toute pollution qui n’est pas extraite, PFAS, microplastiques, concentre un peu plus chaque jour sa teneur dans les réserves d’eau douce, les océans, les sols et dans les chaînes alimentaires du monde vivant.
Tous les acteurs de l’eau qui se mobilisent pour atténuer et tenter de limiter ces impacts conjugués du dérèglement climatique et de nos pratiques de production et de consommation, nous annoncent qu’il faudra en payer le prix.